Xavier Maffre

L’art du beau au quotidien
Dans sa boutique-atelier, le céramiste-potier, Président de l’association « Albaterra », crée jour après jour, au rythme de la nature, des objets pour l’art de la table et le jardin. Rencontre.

A Aubeterre-sur-Dronne, quand les touristes pensent avoir fait le tour de cette jolie cité de caractère, face à l’église souterraine, un panneau les incite à aller voir plus loin. Oui, un peu plus bas, au 33 de la rue Saint-Jean. C’est là, que se trouve la « Poterie de la passiflore » où les accueille Xavier Maffre. Ceux qui poussent la porte de la boutique ne sont jamais déçus. Plats, bols, saladiers, tasses, nichoirs à oiseaux… Tout ici évoque l’art du beau au quotidien. Tant pour la maison que pour le jardin.

Installé à Aubeterre depuis bientôt 30 ans, le potier aime » la sobriété, la simplicité, la douceur des formes et des couleurs ». « La poterie de la Passiflore » est à la fois sa boutique, son atelier et son domicile. En cet après-midi de mi-septembre, dans la lumière douce de son atelier, l’heure est à l’effervescence. C’est qu’il ne reste plus que quelques jours pour créer les dernières pièces qui seront exposées au Festival des Potiers. Sèchent sur une étagère les derniers modèles aux bords « pincés », marque de fabrique de Xavier.

anagamaC’est au tour des nichoirs de prendre place sur le tour. Dans le métier de potier, la patience est de mise. L’argile a besoin d’attentions et de temps avant d’aller rejoindre « l’Anagama », le four Dragon de l’atelier qui cuit le grès à près de 1.300° et la porcelaine entre 1.300 et 1400°.
La découverte

Originaire de la région parisienne, Xavier Maffre a grandi au sein d’une fratrie de quatre enfants (deux garçons et deux filles). Son père était militaire, sa mère infirmière. Quand vient l’heure de choisir un métier, le jeune homme hésite. « Je ne savais qu’une chose : il n’était pas question pour moi de travailler dans un bureau ! J’aimais trop être à l’air libre ». Alors il s’inscrit dans une école d’exploitation forestière. « J’avais vu le côté écolo du métier : l’entretien de la forêt. Je me suis vite rendu compte qu’il s’agissait de l’exploitation de la forêt par les industriels du bois. Et donc pas pour moi ». Changement de cap. Xavier suit alors des études paramédicales pour être kiné. Mais kiné, il ne sera jamais ! Sa rencontre avec un sculpteur japonais et les nombreux moments d’échanges à ses côtés, vont lui changer la vie.

Du marbre blanc de Michel-Ange à la Dordogne

L’été suivant, Xavier part faire un stage en Italie. Très exactement à Pietra Santa dans le nord de la Toscane, non loin des carrières de Carrare. « Là-bas je suis tombé dans l’univers des sculpteurs. J’ai découvert pendant trois mois l’univers du marbre blanc d’une pureté exceptionnelle, qu’utilisait Michel Ange. C’était pour moi comme un rêve qui prenait naissance. Ma vocation était née : je voulais devenir sculpteur ».

Faute d’argent, le sculpteur en herbe rentre en France et commence un stage de poterie en Dordogne. « Le processus de cuisson au four à bois m’a d’emblée passionné. Transformer la matière par le feu, c’est fantastique. Je suis resté chez ce potier traditionnel pendant plusieurs mois. J’ai beaucoup appris. Puis j’ai eu envie de voler de mes propres ailes en trouvant un lieu pour mon propre atelier ».

Coups de cœur à Aubeterre-sur-Dronne

Par où commencer ? Où aller ? Pendant des semaines, partant de la Dordogne, Xavier s’appuie sur la technique de l’escargot élargissant le cercle de ses recherches dans un périmètre de 100 km. Son cheminement le mène en Corrèze, à Brive, Brantome… « Je souhaitais trouver un lieu un peu touristique, à la campagne mais pas isolé ».

Un jour de 1992, il découvre Aubeterre. Un village un peu touristique mais pas trop, où les maisons se vendaient encore pour une bouchée de pain. C’est ici que le jeune potier a son premier coup de cœur.

« Mes parents m’ont aidé financièrement à acquérir ma maison qui, à l’époque était dans un piètre état : on pouvait passer à travers le plancher et le toit s’écroulait… » Xavier pose ici ses valises, bat la campagne pour s’approvisionner en argile, et crée son atelier.

aubeterre xavier maffreLe second coup de cœur de Xavier, c’est Véronique. « Un jour, elle est entrée dans la boutique. Elle n’en est jamais repartie. Nos regards sont tombés l’un dans l’autre. De là est née une alchimie toujours intacte à ce jour. Son énergie m’a permis d’aller de l’avant ». Aux côtés de Véronique, le potier devient comme par magie, plus fréquentable aux yeux des banquiers. « Nous avons ainsi pu acheter la grange attenante à la maison et faire les travaux nécessaires ». Reste qu’en hiver, quand les caisses sont vides, le potier fait des petits boulots à gauche à droite, histoire de mettre du beurre dans les épinards de la vie de famille.

Côté artistique, le céramiste a d’abord pensé pouvoir lier la sculpture et la poterie, liant ainsi la terre et la pierre. Mais il est plus facile de vendre un bol qu’une sculpture. « Je me suis donc finalement consacré totalement à la terre. Sans regret car cela me plaît énormément ».

De la Gaulle à la Chine via le Japon

Dans son atelier d’Aubeterre, le potier s’adonne d’abord au style « gaulois », fabriquant des poteries épurées au décor ciselé tout à la fois utiles et esthétiques.

En visite un jour au musée Guimet, il découvre la céramique asiatique. « Ça m’a fasciné ! J’aime les formes sobres et simples de l’art Mingeï qui s’inspire de l’art populaire japonais ». La culture nippone conjugue à la fois les choses simples de la vie et le lien sacré qui unit l’homme à la nature. (philosophie shintoisme )

L’art du beau au quotidien s’impose à nouveau comme une évidence dans la vie de Xavier. Comme une ligne de conduite, une ligne de vie artistique.

« En 2008, avec un groupe de potiers, j’ai eu l’opportunité d’aller faire un stage de céramique en Chine à Gindezen (Jingdezhen), capitale de la porcelaine chinoise dont la finesse est souvent considérée comme un supplément d’âme à la préparation du thé. Un lieu emblématique. Là-bas, les céramistes sont reconnus comme des artistes. Au japon , Ils font partie du trésor national vivant. Il y a toute une démarche de transmission du savoir-faire et du savoir être. Cela m’a donné envie de travailler la porcelaine ».

Si la céramique est une passion , elle existe aussi grâce a la rencontre avec le public dans son atelier-boutique . Les visiteurs sont une source d’énergie positive qui nourris le potier pour ses créations futur..

Élégance et finesse

xavier maffreAujourd’hui, le travail du potier charentais raconte l’élégance, la finesse et la sobriété de l’art nippon et chinois. Et cela jusqu’à sa signature. Cette griffe portant ses initiales dessinées un jour sur un bout de papier et stylisé par une amie graphiste.

Tout en façonnant au tour une boule d’argile, futur nichoir à mésanges, le céramiste-potier apporte quelques précisions à la néophyte que je suis : « Le mot céramique vient du grec Keramos qui signifie l’action de cuire l’argile qui devient alors céramique. Un terme générique pour parler de la faïence, du grès et de la porcelaine. Pour les objets du quotidien (bols, saladiers, vases…) j’aime utiliser l’argile blanche appelées kaolin qui donne cette belle couleur au céladon ».

L’art au rythme de la nature

Les années passant, pleinement conscient de la chance qu’il a de vivre à Aubeterre, Xavier s’investit dans la vie locale. « Je suis devenu aussi conseiller municipal puis, depuis les dernières élections municipales, je suis adjoint aux côtés du maire Charles Audoin. Je m’occupe notamment des questions culturelles et environnementales. Travailler ensemble pour la communauté, c’est passionnant ».

En 2016, avec huit autres céramistes, Xavier créé l’association « Albaterra » De là, est né le Festival des potiers qui rassemble cette année 36 exposants en grande partie de la région mais aussi au-delà. Faire découvrir et promouvoir les artisans d’art est au cœur de ses préoccupations .

Autant dire qu’entre sa vie professionnelle et la mairie, pour Xavier Maffre, l’espace-temps se réduit. Véronique en sait quelque chose, elle qui mène de front boulot, soutien inconditionnel à son potier préféré et la vie de famille. Leurs deux fils, Sacha et Mathis âgés de 22 et 19 ans, ont mis très jeunes les mains dans la terre mais leurs centres d’intérêt sont ailleurs. « Je trouve bien qu’ils aient trouvé leur voie, leur univers comme je l’ai fait moi-même. Cela dit, ils savent qu’ils ne partiront pas de la maison sans savoir comment faire un bol ! »

Aujourd’hui plus que jamais, Xavier cultive son art en vivant au rythme de la nature. « Et plus le temps passe, plus je me sens bien. Au Japon, il est dit qu’on ne devient vraiment potier qu’à partir de 30 années de pratique. J’y suis presque ! »
France Berlioz

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